Promotion 2024
Mathilde Guichard
TISSERANDE
Nincémon Fallé a 22 ans. Il vit à Abidjan, dans le quartier de Yopougon. Il a écrit "Ces soleils ardents" alors qu’il travaillait dans une imprimerie. Nincémon signifie en Guéré : « Le feu n’est pas éteint ».
"Très souvent, j’ouvre au hasard les incipits de romans que je n’écrirai sans doute jamais. Ce sont quelques paragraphes qui, à chaque fois, annoncent la couleur et me plongent directement dans une histoire dont je rêverais n’être que le lecteur. Mais le paragraphe s’arrête, et le blanc abyssal qui lui succède me rappelle que je suis à l’origine de cette étincelle, puis de ce vide..
J’ai grandi avec l’intime conviction que je savais raconter des histoires et que je devais en raconter. J’ai fait ma part, j’ai écrit, et dans les mois qui ont suivi la publication, je n’ai pas cessé de me demander si j’étais vraiment prêt, si je n’étais pas destiné à autre chose, sans oublier les considérations financières.
C’est une chance inestimable de pouvoir se soucier un peu moins de tout cela, mais ce qui m’émeut le plus, c’est que ce Prix s’intitule Prix de la Vocation. Voilà donc ma vocation et tout ce qui doit compter aujourd’hui.
Je me demande combien de romans ou d’histoires, peu importe la forme, auront réussi à transcender le statut d’étincelle pour devenir quelque chose d’aussi longtemps admirable qu’une étoile. Je peux déjà dire que le prochain devra beaucoup à ce Prix."
Loréna Bur est née à Nouméa. Elle a publié J’ai un trou dans le cœur de la taille d’une brousse en 2022. Elle étudie et travaille en tant que libraire à Montréal.
J’écris depuis la mémoire, couchée sous ses draps froissés, à la lumière des souvenirs. Ceux de l’enfance et de l’été qui n’arrête pas, ceux des week-ends en brousse et des tortillons à moustiques, ceux de grandir sur une île, pas n’importe laquelle - Kanaky- Nouvelle-Calédonie. À la fois terre de parole et pays du non-dit.
J’écris depuis la distance et ce temps qui passe, ces questions mystérieuses qui ne quittent pas le corps, même quand le corps s’en va.
Vivre loin de chez soi. D’une façon où d’une autre, la poésie me permet de rester proche de mon pays, de le commémorer. Je me retrouve à lui parler, à y retourner par la poésie comme à bord d’un long bateau. Elle ne me laisse pas le choix : une odeur, un éclat, une sensation remonte et provoque le sentiment.
Au-delà des plages et des cocotiers : le bétail sous le soleil, les feux de bord deroute, la crise politique, humaine, d’un lieu qui pense et ressent. La boulangerie où travaille mon père, les recettes de gâteaux indonésiens héritées de mères en filles. Les personnes qui l’habitent et la font vivre chaque jour, dans la conscience de l’histoire, de l’identité, de tous ces liens qui restent à venir.
Merci à la Fondation de la Vocation pour cet honneur et cette joie.
Merci à la poésie.