Promotion 2019
Jestin Victor
Ecrivain
Je suis né dans un pays où la parole coûte cher. Très tôt, j’ai compris que raconter, c’était, de quelque manière, résister. C'est pour comprendre l’humain dans ses fractures les plus profondes et donner forme à ce qui échappe que j’ai choisi d’écrire – la littérature étant, au fond, une manière de rendre justice à la vie, sans pathos.
Cette aventure en deux actes marque une étape essentielle dans mon parcours. J’écris depuis l’urgence, depuis ce besoin viscéral de saisir le monde par le col et d’y opposer la vérité des mots. Mon roman, habité plus qu’engagé, raconte la force des femmes face à la violence, mais aussi la dignité et la résilience humaines face à l’injustice. Je suis profondément reconnaissant de voir que cette parole, née là où le personnel rejoint l’universel – la déréliction, l’isolement du malheur congolais –, est enfin entendue. Je remercie la Fondation de la Vocation d’avoir prêté oreille à ce murmure venu du fond de la mémoire.
Cette récompense représente pour moi le début d’une continuité : celle d’un engagement littéraire fidèle à la réalité et à l’espérance, pour que l’empathie ne meure jamais.
Brasucade désigne aussi bien un mode de cuisson de moules en persillade que l’évènement festif, en plein air, qui l’accompagne. Brasar signifie mettre des braises en occitan. Allumer un feu de ceps de vigne, flamber, savourer, chanter, trinquer, danser… voilà ce qui me lance en écriture, une poésie en action, à même la vie. Or la poésie n'est pas qu’un simple geste individuel.
Une histoire de transmission. J’écris à partir d’une langue régionale, apprise dès l’enfance. Il s’agirait de dire aussi : j’écris à partir d’un patois ; une langue minorisée, honteuse. Dans l’embrasement des moules, en cuisson lente et vive, le poème est une tentative de mise en forme de réflexions collectives. La garrigue brûle. Les aïeux s’en vont au large comme des bois creux. Comment faire ce lien entre générations ?
Une littérature occitane invisibilisée. J’écris à partir d’autres. Prélève des mots dans des collectages. Recherche la poésie de l’oralité, un timbre vocal. J’écris pour ce bruit : l’accent chantant, une polyphonie de rue, des célébrations populaires. La poésie est une affaire d’emprunt.
Lecteur-glouton avant tout, je remercie les médiathèques.
Merci aux éditions Cheyne, au savoir-faire des imprimeurs.
Merci à la Fondation de la Vocation pour le rêve !