Je suis née à Moscou, j’ai grandi en France et en Allemagne. Petite, ma mère me lisait des poèmes de Tsvetaieva, de Pouchkine. Dans la voiture de mon père, j’ai beaucoup écouté les chansonniers russes, Vissotsky surtout. Ainsi, je crois que les mots ont d’abord été de la musique, du son, avant de se charger de sens.
Tout au cours de mon enfance, d’un pays à l’autre, j’ai beaucoup déménagé. On m’a souvent changé de langue. Je n’ai parfois plus été capable de parler : la langue n’était pas la bonne, ou alors, c’est la parole qui n’était pas possible. Ecrire est venu de tout cela : d’un rapport au mutisme, au silence, à partir duquel émergent les mots, souvent avec difficulté.
Les poèmes d’Atemnot, le recueil bilingue primé aujourd’hui, sont marqués par cette difficulté, d’écrire, de respirer. Ils témoignent d´un souffle qui balbutie, dit quelques mots, et puis s’épuise, s´arrête. C´est une recherche, un tâtonnement. Un tâtonnement à travers les langues, les corps, les territoires.
Il y a la question de la langue étrangère et la question d´être étranger à sa langue. Il y a la question du corps, toujours un peu étranger aussi, dans lequel on se sent aussi étranger que dans la langue. C´est peut-être lié. La voix tente de lier.
Des premiers textes de poésie que j’ai aimés, ceux de Jean Genet, Jacques Dupin ou Bernard Noël, à l’aboutissement de mes propres textes, le cheminement a été long, et fragile. Mes textes ont été publiés dans des revues en France et en Allemagne, ont fait l’objet de lectures, de créations sonores et d’une pièce radiophonique.
Pourtant, je reste démunie lorsque j’écris. C’est pourquoi je suis infiniment reconnaissante au jury du Prix de la Vocation, à la Fondation Marcel Bleustein-Blanchet et à Cheyne d’avoir accordé cette attention à mon travail. Je suis heureuse que ce texte puisse aujourd’hui exister grâce à ce soutien, d’une valeur inestimable pour une première publication.