28 Oct 2020
LA RESTAURATION DES ORGUES DE NOTRE-DAME VUE PAR DEUX LAURÉATS
Philippe Lefebvre reçoit en 1972 le Prix de la Vocation lui permettant de financer ses cours, ses dé...
28 Oct 2020
LA RESTAURATION DES ORGUES DE NOTRE-DAME VUE PAR DEUX LAURÉATS
Philippe Lefebvre reçoit en 1972 le Prix de la Vocation lui permettant de financer ses cours, ses déplacements et ses partitions. Il devient organiste titulaire de Notre-Dame en 1985. Philippe Emeriau, facteur d’orgue, reçoit son Prix de la Vocation en 1978. Grâce à cette aide, il finance son propre atelier et un véhicule de transport pour ses fabrications. Deux métiers d’excellence qu’ils exercent avec passion depuis leurs débuts. Ils ont accepté de répondre à nos questions sur l’état des orgues après l’incendie et leur restauration.
Savez-vous dans quel état sont les orgues depuis l’incendie ?
P.E. : Il y a trois orgues : le grand orgue, l’orgue de chœur et l’orgue de coffre. Ce dernier n’a pas échappé à l’incendie. L’orgue de chœur, un orgue musicalement intéressant, est hélas très abîmé. Aux dernières nouvelles officielles, le grand orgue a pu être épargné.
P.L. : Avec l’incendie, ce que l’on sait c’est que l’orgue est sauvé. Il a simplement pris de la poussière de suie et n’a pas été atteint ni par les flammes ni par l’eau. C’est un miracle.
Peut-on envisager une restauration ? En quoi va-t-elle consister ?
P.E. : Je ne parlerais pas de restauration. Nous avons ce qu’on appelle le relevage : un démontage complet de l’instrument avec un nettoyage scrupuleux. L’orgue de coffre, s’il est envisagé de le reconstruire, sera un orgue neuf. En ce qui concerne l’orgue de chœur, il va falloir procéder à une expertise pour voir ce qui peut être sauvé. Il y aura dans ce cas-là un travail de reconstruction, car on sait que l’instrument a pris l’eau et on imagine qu’il y a des dégâts en partie irréversibles.
À partir du moment où vous nettoyez un tuyau, vous changez inévitablement les paramètres sonores, même de façon très modeste. Le grand orgue a été dépoussiéré pour la dernière fois en 2014. C’était, avant l’incendie, un orgue qui avait déjà avalé cinq ans de poussières de Paris. Une égalisation de l’harmonie sera nécessaire ; c’est-à-dire remettre les tuyaux dans leur harmonie d’origine. Cela consiste à jouer sur les paramètres sonore et mécanique du tuyau : redresser la lèvre supérieure, serrer ou ouvrir la lumière qui laisse passer le vent, régler la hauteur du biseau, etc.
Philippe Lefebvre, tous les organistes rêvent de jouer sur cet instrument qui a partagé votre vie tant d’années, que représente-t-il pour vous ? Pensez-vous rejouer de l’orgue de Notre-Dame un jour ?
P.L. : Cela fait plusieurs dizaines d’années que je vis avec Notre-Dame donc forcément c’est un lien affectif et personnel très fort. On perd une partie de soi-même. J’ai donné mon premier concert à Notre-Dame il y a 50 ans. Elle ne m’a jamais quitté. Je pense rejouer de ce grand orgue. Tout dépendra effectivement des travaux sur l’édifice. C’est un travail de longue haleine mais peut-être que cela se fera en plusieurs tranches. Peut-être que la cathédrale rouvrira avant que la flèche ne soit remontée, et que nous n’attendrons pas 10 ans.
Organiste à Notre-Dame depuis 35 ans, je me dis qu’au-delà de cet événement, les choses ne peuvent pas s’arrêter comme ça. Passé le stade de la douleur et de l’effroi, on se raccroche à l’espoir. Je ne peux pas vivre sans Notre-Dame.
Cet événement a contribué à faire parler des métiers d’organiste et de facteur d’orgue, pensez-vous que cela suscitera de nouvelles vocations ?
P.L. : On l’a bien vu depuis huit jours dans les médias, la restauration du patrimoine est quelque chose à laquelle les français et le monde entier sont attachés. Je suis absolument convaincu que dans tous les métiers d’art, il y a déjà des jeunes passionnés et que cela va susciter des vocations. En ce qui concerne l’orgue il y a déjà des jeunes organistes très talentueux, que ce soit en France ou à l’étranger. On peut dire que la relève est en partie assurée. Mais je suis aussi convaincu que ce genre d’événements provoque une émotion et redouble l’intérêt pour un instrument comme l’orgue. Ça ne peut, on l’espère, qu’être bénéfique.
P.E. : Difficile de répondre. Ce n’est pas anecdotique, à partir du moment où on parle d’orgues il y a des retombées qui sont positives pour le métier. Est-ce que cela va susciter des vocations ? Je le souhaite mais je ne peux pas prendre le pari.
Crédit Photo : Céline Anaya-Gauthier